Correspondance entre M de Peiresc, avocat au Parlement d'Aix, et M du Puy, avocat auprès du Parlement de Paris. (extraite du fichier Gallica de la BNF ). Le "de la Trémolières" cité est très certainement un confrère de Peiresc et de De Loménie , en qualité d'avocat auprès du Parlement de Poitiers. Il pourrait très bien être l'arrière grand père du peintre , et le chaînon manquant entre les Jouvenroux et le père du Peintre. La correspondance est reprise en son entier en raison de son intérêt historique. Notre parent est cité dans deux lettres :                          20 avril 1629      et       2 septembre 1629. |
De Peiresc. Monsieur, je receus lundy au soir vostre despesche du 10 de ce moys, avec le tarich fort bien conditionné et un cahier de remonstrances sur les rentes de Paris, où il y a de fort bons mouvements de ce pauvre bourgeois, dont je vous remercie trez humblement, comme aussy des particularitez de la cour, en revanche desquelles vous en aurez une petite relation qui n' est pas de si haulte cour, mais encores y aurà t' il possible quelque destail qui vous pourroit estre eschappé. Vous aurez par mesme moyen l' autre despesche de Mr De Thou du Caire laquelle il accusoit par celle d' Alexandrie ; vous verrez ce qu' il m' escript, car j' ay eu loisir de luy faire response pour l' ordinaire de Rome, depuis que je l' ay receüe, avant le partement de la staffette. J' ay prins grand plaisir au jugement dont vous m' avez faict part de cez messieurs qui ont l' oreille si sensible sur les vers des Sieurs Viaz et Remy, et sans nommer persone j' ay donné un petit mot d' advis à celuy qui en avoit besoing, qui n' est point jaloux de ses ouvraiges, et recognoit fort ingenüement la verité ; il est fort jeune et en estat de se corriger, comme il en a trez bonne envie. Pour la premiere syllabe de Syrus, je pense que ce qui se trouve du nom pareil de ce lieu en isle de l' Asie Mineure, le peult avoir trompé. Oultre que pour les noms propres il semble que les poetes s' en soient fort dispancez, attendu que les etymologies en sont communement tirées de si differantes racines, qu' il n' est pas inconveniant que les unes ayent des fondements pour allonger, et des autres pour abbreger la prononciation d' une syllabe et de faict si on alloit examiner le nom de Syrie selon les origines phoeniciennes ou hebraiques, où les principaulx mots et primitifs sont accompagnez de consonantes fort haspirées, mesmes celuy là, qui estoit anciennement monosyllabe, comme il est encor aujourd' huy entre les arabes et se commance à escrire par une lettre grandement haspirée, qui ne se peult proprement imiter par les lettres grecques ou latines sans en joindre deux ensemble pour faire Tsour, il est bien malaisé de le mettre en vers en sorte qu' il n' y eust de la cacophonie, s' il estoit escript et prononcé si scrupuleusement comme aulcuns croiroient qu' il deubt estre, et de faict ce qu'aulcuns ont depuys exprimé par un S en Syria, les autres l' ont exprimé par un T en Tyrus, bien qu' on tienne que l' un vienne de l' autre. Voire quelqu' un a tenu qu' Assyria ne soit qu' un emprunt de syllabe, pour pouvoir plus commodement prononcer la premiere consonante du mot de Syrie en la redoublant, attendu que les voyelles leur sont si indifferantes et qu' ils ne s' arrestent principalement qu'à leurs consonantes. Quant à l' autre mot de Varus, bien que l' usage receu soit sans replique, si est ce qu' il ne recevroit pas moings de difficulté, s' il estoit examiné selon les plus vraysemblables etymologies et origines de la langue gaulloise ou germanique où la plus part des rivieres et ruisseaux se trouvent avoir retenu des noms qui viennent d' une seule origine, bien que diversifiez d' une estrange façon, comme le Var, le Garon, le Garin ou Guarin, le Verdon, le Guar, le Guardon, la Garonne, la Gavarre, le Gavarret, le Gau, le Gappeau, le Gaveau, le Gavot, le Gavardel, le Gavaudan, le Gavardon, la Gaverne, la Gavelne, l' Uveaune, et une infinité d' autres, que l' on trouve à touts bouts de champs dans cette province, et dans le Languedoc, mais principalement dans cez païs du Bearn, et autres circonvoisins, lesquels ont plus opiniastrement retenu le barragoïn celtique ou cantabrique, où j' ay autres foys admiré de voir quasi touts les ruisseaux qualifiez en cette sorte et Dieu sçaict si le nom de Ligeris ne pourroit pas en estre derivé comme les autres, car les voyelles n' estoient pas gueres moings arbitraires entre ces peuples là qu' entre les orientaulx, et de faict vous voyez que dans cette mesme province nous avons deux notables rivieres qui ont retenu les noms de Var et de Verdon, et si on y rapportoit les autres noms de rivieres ou ruisseaux qui peuvent avoir changé l' V de la premiere syllabe en B ou en P, comme il n' est pas arrivé moings promiscüement que de le changer en G ou en Gv, vous y trouveriez comprins le Padus et un si grand nombre d' autres, qu' il n' en manqueroit pas dont cette syllabe pourroit avoir esté rendüe brefve, soit par corruption ou autrement, avec la traicte du temps ; voire l' Eridanus n' en seroit pas exclus, n' estant pas nouveau que le temps retranche des lettres du commancement des mots comme d' ailleurs, et comme d' y en adjouster, tesmoing ce que les anciens ont > remarqué de son vieil nom Bochernum, le Ch n' estant pas tant eslongné du G pour la prononciation, qu' il ne peult avoir esté nommé Gueridanus et Bogueridanus, ce qui embrasseroit encores nostre Rhodanus, par la mesme raison, puisque l' arbitrage des voyelles en la dicte langue celtique l' a faict aussi bien nommer autres foys par quelque autheur Eridanus, comme le Po et quelques autres de ceux d' autour des Pyrennées, où il s' en voit de plus apparantes vestiges, n' y ayant rien d' incompatible de faire de Gaurdan Eridanus et Rodanus et qui plus est le Rhenus de Guarhenus, les noms de Gué et de Vadus pouvant fort bien encores venir de tout cela, sans qu' il faille craindre d' offancer l' antiquité, pour avoir voulu comprendre tant de rivieres et ruisseaux soubs des etymologies venants d' une mesme source. Puis que vous voyez que dans le Bearn il y en a un nombre merveilleux, qui ne sont diversifiez qu' en terminaison, diminution ou ampliation comme peuvent avoir faict les anciens, principalement dans ces premiers siecles de plus grande ignorance ou simplicité, car ceux qui sont venus par aprez ont plus scrupuleusement voulu faire valoir les corruptions des noms propres en l' estat qu' ils les ont trouvez, pour les mieux distinguer les uns des autres. Mais que direz vous de cette impertinante digression ? Vous aurez bien du subject de vous mocquer de moy, je vous supplie de m' en excuser, car toutes cez badineries me sont insensiblement eschappées de la plume sans y avoir pensé quand je l' ay prinse pour vous escrire, et ne suis pourtant pas marry de m' y estre engagé, car celà m' y fera possible songer un jour plus à loisir et si cela estoit examiné par ung homme comme Mr Grottius, je pense qu' il y trouveroit possible au bout du compte quelque bonne consequance à tirer, ayant la langue de son païs à commandement, et la pouvant joindre aux origines de la grecque et latine mieux que moy. Si vous le trouvez quelque jour en humeur d' en prendre la patiance, je ne seray pas marry que luy en disiez mon imagination quoy que possible impertinante, car je sçay bien qu' il ne laisra pas de l' interpreter benignement selon sa doulceur naturelle et nous enseignera de très belles choses, s' il veult, sur cette matiere. Au reste je suis bien aise qu' ayez faict retirer soient si empeschez à rappeller leur memoire. Je vous remercie du soing qu' avez eu des libvres de Macé dont j' ay veu le roolle. Pour la bible elle me semble de vray un peu chere, et puis de n' estre pas toute en blanc, il y a quelque chose à dire, car pour la relier de nouveau tout d' une parure, la marge en patira fort. Je vous supplie de me mander la datte de l' edition, la vraye forme et le nombre des volumes, car aussy bien si ce n' estoit la mesme edition sur laquelle a faict sa memoire locale celuy à qui je la destinois, je n' y employerois pas volontiers une somme notable, cette sorte de livres estant hors de mon usage tout à faict. J' ay desja envoyé en Espagne le memoire des livres qui y sont nouvellement imprimez, par un religieux qui va au chappittre des minimes à Barcelonne avec lettre de credit d' un marchand de Marseille. S' il s' y en trouve je pense que nous en aurons. Je serois bien marry que les occupations du Sieur De Vris l' empeschassent de faire le portraict de Mr Saulmaise. Je n' ay pas encore peu retirer toutes les lettres de recommandation qui m' ont esté promises à messieurs de Dijon pour Mrs Rigault et Haultin ; entre cy et la premiere staffette j' espere de les retirer toutes, et qu' il y en aura quelqu' une de bonne. Si j' eusse sceu les noms de leurs juges, et specialement de leur rapporteur, j' eusse plus affecté ceux là que les autres, mais je faicts escrire à tous ceux que je puis tant de la tournelle que grand chambre, parce que je ne sçay en quelle chambre il est, et que les procez suivent le rapporteur en quelque chambre qu' il soit obligé d' aller. Je vous doibs mille remerciements trez humbles des bons offices et favorables compliments qu' il vous a pleu rendre à nostre pauvre Mr Fabrot, qui est bien fier de l' honneur que vous lui faictes et vous en sera à jamais redevable. Je vous ay adressé le second livre, et pensois maintenant envoyer le troisiesme ; mais puis que cela ne presse pas, je luy feray remettre encor au net quelque feuille, pour oster tout pretexte de doubte aux compositeurs d' imprimerie. Je vous remercie encores par un million de foys de la prompte et favorable expedition des provisions du bon vieillard le Sieur De Nostradame, en quoy vous m' avez infiniment obligé, comme aussy Mr De Lomenie et Mr De La Tremolieres, mesmes du gratis auquel je ne m' attendois pas, et les en remercieray comme il fault. Je les luy ay envoyées et crains que la joye ne fasse tort à sa foible santé, tant il en a esté content. Il eut desiré quelque petit mot de sa qualité et de ses services, mais je pense qu' il se doibt contenter de cela. Pour des pieces de feu Mr De Malerbe, je ne pense pas en avoir en vers qui n' ayent esté imprimées, et pour la prose, j' ay grand nombre de ses lettres missives qu' il m' avoit autres foys demandées pour les revoir, et en faire choix de celles qui se pouvoient imprimer. Mais cela fut interrompu par des voyages survenus de sa part et de la mienne. Si on en veult je vous envoyeray trez volontiers tout ce que j' en auray. Mr le conseiller Boyer son neveu, et pere de son heritier, me demanda l' autre jour la mesme chose, et je luy avois faict la mesme responce, mais il ne m' en avoit pas depuis parlé. J' ay trouvé jolies les petites heures grecques de Libert, ce me semble, et vous prie de m' en faire envoyer un autre exemplaire à vostre commodité. Mr le nonce m' a faict plainte de n' avoir pas veu l' epistre de Mr Rigault au Cardinal De Richelieu ; si j' en eusse eu une à part, je la lui eusse envoyée, mais toutes celles que vous m' aviez envoyées ont esté employées aux quattre exemplaires que j' ay eus en main, l' une en celuy du Cardinal Barberin, l' autre en celuy de Mr D' Oppede, car le libraire n' y en avoit poinct mis, la troisiesme en un autre que j' ay envoyé en Italie, et la quattriesme pour le mien, où il me manque encores le quarton de supplément aux animadversions J' en avois bien une cinquiesme qui vint toute la premiere, mais il y avoit quelques faultes d' imprimerie, et n' estoit pas mesmes ajustée en façon qu' elle se peult jamais relier proprement. Pour le commerce, je crains fort que nous ne soyons encores bien loing de le restablir, car le vicelegat nous vient de mander que la maladie s' est fourrée tout fraischement dans un village nommé Monteux prez de Carpentras, où tout d' un coup en 24 heures y a eu 40 personnes frappées, et dict on qu' un malade par surprinse est venu passer à Noves et à Eyragues, où nous avons envoyé en diligence faire fermer tous les lieux où il aura frequanté. Si Dieu ne nous ayde, nous courrons grande fortune à cet esté, et si cez armées ne prennent autre chemin que par cette province et par des lieux où les chaleurs font si facilement prendre le mal. La cavallerie qui devoit passer en Languedoc a rebroussé chemin depuis Arles, et a eu commandement de s' en aller suyvre Mr De Schomberg du costé de Lyon. L' infanterie doibt estre passée depuis hier ; le jour precedant tout estoit desja passé fors le regiment du chevalier De La Valette qui avoit sesjourné un jour plus que son ordinaire ne portoit par les chemins. Mr De Guise à la priere du parlement s' en alla en personne en Arles, pour les faire sortir et faire retenir les mullets qu' ils emmenoient pour plus de 40 mille escus. C' est tout ce que je vous puis dire et que je suis tousjours, monsieur, vostre trez humble et trez obligé serviteur, De Peiresc. à Aix, ce 28 Avril 1629. |
à monsieur, Monsieur Du Puy, |